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2012 : EUGENIO CARMI "LA DIVINE PROPORTION" |
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Eugenio Carmi Appréhensions Je débuterai mes réflexions par une citation : les dernières lignes du chapitre Carmi actuel de Umberto Eco (1), écrit en 1973.
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Giampaolo Prearo Editore, Milano, 1973, p. 101
Eugenio Carmi |
LE LABORATOIRE ALCHIMIQUE DE EUGENIO CARMI Rarement la vie d’un artiste s’est accordée aussi exactement à son parcours créatif que dans le cas d’Eugenio Carmi. Il est indispensable de connaître son existence en tant qu’homme, qu’être humain, pour comprendre sa personnalité en tant qu’artiste. Né à Gênes en 1920 dans une famille juive pourtant laïque, il n’a pas été épargné par les lois antisémites de l’époque qui l’obligent à émigrer en Suisse, à Zurich, pour poursuivre sa scolarité, ce qui lui était interdit dans son pays. Dans l’impossibilité de suivre des études d’architecture, le diplôme italien n’étant pas reconnu en Suisse, c’est presque par hasard qu’il s’inscrit à la faculté de chimie. Or il ne pouvait en être autrement, au regard de sa vie à venir et de sa recherche artistique, empreinte d’une démarche conforme aux exigences de la science, au point que je n’hésiterais pas à le définir comme le scientifique de la peinture. |
L’enseignement de Casorati ne répond pas entièrement, bien entendu aux besoins d’Eugenio qui, dans les années ’50, se consacre au graphisme publicitaire au point d’être nommé responsable de l’image de l’Italsider, colosse de la métallurgie italienne renaissante et symbole de la reconstruction industrielle d’après-guerre. Carmi occupera ce poste de 1958 à 1965. C’est aussi pour cette raison qu’il abandonne la formation classique de Casorati et se tourne vers un usage informel de matériaux non conventionnels, comme le fer et la tôle, et innovants, comme le plastique. Se fait jour alors l’exigence de produire un art plus accessible au public, avec des circuits de distribution en marge du « marché », c’est-à-dire en dehors des voies habituelles. Avec des amis peintres et écrivains, comme Achille Perilli et Bruno Alfieri, et son inséparable épouse Kiki, il ouvre en 1963 à Boccadasse – un vieux village de pêcheurs près de Gênes – la Galleria del Deposito (ou Galerie du Dépôt), un espace autogéré destiné à la réalisation et à la vente d’œuvres en série, de sérigraphies, d’objets décoratifs, de foulards. Des expositions y sont aussi organisées et un « journal » y est publié, rendant compte de l’évolution de la galerie et des nouveautés. Carmi contacte alors des auteurs comme Vasarely et Max Bill qui influenceront son parcours. Il participe à la Biennale de Venise de 1966 et,vers la fin de cette décennie, sa peinture s’oriente nettement vers une recherche où la géométrie devient l’expression de la pensée et un langage permettant de traduire la réalité en formules élémentaires et universelles. Et c’est là que voit le jour ce laboratoire alchimique dans lequel le peintre scientifique approfondira sa recherche, avançant dans la mystérieuse harmonie de l’univers, par des études mathématiques susceptibles d’en révéler la formule ; le théorème de Pythagore et la réalité euclidienne comme leviers d’Archimède pour dévoiler et pénétrer le mystère de l’existence. La géométrie comme signe et comme langage. Son amitié et ses échanges avec Umberto Eco ont été d’une grande importance : les études du sémioticien ont profondément influencé sa production artistique. Leur amitié constante et réciproque a guidé le peintre dans le choix de ses domaines de recherche ; les textes de Eco sur Carmi nous permettent de mieux comprendre l’œuvre d’Eugenio et l’encouragent, lui, à poursuivre son chemin. La quadrature du cercle comme paraphrase de la compréhension universelle, la couleur comme archétype et symbole de la construction. La recherche du nombre d’or, proportion parfaite entre le connu et l’inconnu. La peinture comme mathématique pure. La chimie des éléments produit la continuité du cercle, des ondes concentriques formant la Spirale superposée générée par le nombre d’or. La synthèse pure, et conséquence directe, se produit par la supposition de la divine proportion telle qu’elle a été théorisée par le mathématicien italien Luca Pacioli (1445-157) en 1497 dans son traité sur le nombre d’or « De Divina Proportione ». C’est là que finit où tout a commencé. Pour une recherche encore inépuisée. Stefano Cortina |